Quand Ravel s’inspire du jazz et de l’Espagne
Maurice Ravel est l’un des compositeurs français les plus célèbres du 20e siècle, mais au-delà de sa réputation de génie de la musique classique, son œuvre regorge d’influences fascinantes, notamment celles du jazz et de la musique espagnole. Ces deux styles, très différents l’un de l’autre, ont laissé une empreinte indélébile sur ses compositions, lui permettant d’explorer de nouveaux horizons sonores et rythmiques.
Le jazz : une rencontre avec la modernité
Ravel a été profondément séduit par le jazz, particulièrement après son voyage aux États-Unis en 1928. Ce genre musical, alors en pleine effervescence, l’a captivé par ses rythmes syncopés et son énergie inédite. L’influence du jazz dans la musique de Ravel est évidente dans plusieurs de ses pièces, où il réinvente les codes de la musique classique avec une touche de modernité.
L’un des exemples les plus frappants est son Piano Concerto en sol (1931). Ce concerto est un véritable hommage au jazz : Ravel joue avec des rythmes syncopés, des harmonies caractéristiques du genre, des mélodies ponctuées de notes bleues et même des thèmes qui rappellent les improvisations typiques du jazz (dans l’Adagio). C’est une fusion étonnante entre la rigueur de la musique classique et l’énergie du jazz.
Le CD est disponible à la BCUL.
Dans La Valse (1920), bien que cette pièce soit avant tout proche d’une valse viennoise, on y retrouve aussi des éléments rythmiques inspirés du jazz, notamment dans l’utilisation de syncopes et de rythmes irréguliers. Les motifs rapides, les contrastes de tempos et l’orchestre traité de manière très percussive, évoquent certaines pratiques de la musique jazz.
L’Espagne : une passion musicale
Ravel n’a jamais caché son amour pour l’Espagne et sa culture musicale. Plusieurs de ses œuvres portent la marque de ce pays ensoleillé, avec des rythmes et des sonorités inspirés des danses espagnoles.
Prenons la Rapsodie Espagnole (1907), un véritable voyage musical à travers l’Espagne. Elle combine des éléments de la musique folklorique espagnole, avec des rythmes de flamenco et de danse espagnole comme la habanera (une danse d’origine cubaine d’influence espagnole) et la séguedille, une danse andalouse. Cette œuvre est une parfaite illustration de l’amour de Ravel pour les couleurs exotiques et sensuelles de l’Espagne.
Dans Alborada del gracioso (version pour piano 1905, version orchestrale 1919), le compositeur capture l’énergie de la danse espagnole et il recrée l’atmosphère des rues espagnoles. Les motifs rythmiques rapides, les mélodies, les couleurs orchestrales, les percussions et les motifs de guitare en particulier, rappellent les sons traditionnels de la musique folklorique espagnole. Le titre même, Alborada (l’aube), évoque une ambiance de fête espagnole. Et le gracioso fait référence à un personnage comique de la tradition théâtrale espagnole.
CD disponible à la BCUL.
Même dans son célèbre Boléro (1928), bien qu’il ne s’agisse pas d’une danse espagnole, l’influence du rythme espagnol dans l’orchestre est indéniable. Le Boléro est basé sur une danse lente et hypnotique, avec une répétition qui nous rappelle les rythmes du flamenco, la danse andalouse par excellence.
Ravel : un compositeur à l’esprit ouvert
Ravel n’était pas un compositeur enfermé dans des traditions rigides ; il était curieux, ouvert aux nouvelles sonorités et aux influences du monde entier. Ce qui est fascinant avec Ravel, c’est sa capacité à fusionner des influences musicales aussi diverses tout en restant fidèle à son propre style. Le jazz lui a permis d’apporter une touche de modernité et d’inventivité à sa musique, tandis que l’Espagne lui a offert une palette de rythmes et de sonorités exotiques qu’il a intégrées avec une grande subtilité. Dans ses œuvres, ces influences se mélangent parfaitement, offrant une musique riche en émotions et en textures.
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Image : Maurice Ravel au piano / Roland-Manuel, BNF, Gallica
