Retour aux articles

La ville idéale. Entre utopie et réalité

Quelle est la ville idéale ?

Philosophes, historiens, urbanistes, archéologues et autres spécialistes tenteront de répondre à cette question, lors d’un prochain colloque, La Ville idéale, Entre utopie et réalité, à l’Université de Lausanne.

A quoi ressemblait la ville idéale, dans l’Antiquité ? Petit parcours, de l’utopie à la réalité.

Pour Platon, l’Atlantide représente sans conteste cette ville idéale, belle de surcroit :

« Le temple tout entier, à l’extérieur, était revêtu d’argent, hormis les acrotères, qui l’étaient d’or ; à l’intérieur, la voûte était tout entière d’ivoire émaillé d’or, d’argent et d’orichalque ; tout le reste, murs, colonnes et pavés, était garni d’orichalque. » (Critias, 116d)

Selon la légende, la magnifique rivale d’Athènes sera engloutie par Zeus en raison de sa démesure.

D’autres villes antiques au destin exceptionnel, sans parler des cités grecques ou de Rome, méritent le détour.

Babylone, la Porte de Dieu, est connue non seulement par ses Jardins suspendus, une des Sept Merveilles du monde antique, mais également par sa fameuse Tour de Babel. Évoquée dans la Bible (Genèse, XI, 1-9), cette étonnante construction est décrite par Hérodote (Enquête, I, 181-183) :

« C’est un carré régulier qui a cent stades en tous sens. On voit au milieu une tour massive qui a un stade tant en longueur qu’en largeur ; sur cette tour s’en élève une autre, et sur cette seconde encore une autre, et ainsi de suite : de sorte que l’on en compte jusqu’à huit. On a pratiqué en dehors des degrés qui vont en tournant, et par lesquels on monte à chaque tour. »
Ziggurat, Samarra. Gustaf Wallen

Carthage est considérée par Aristote comme la ville ayant la meilleure gouvernance. Ennemie jurée de Rome, elle est rasée, brûlée et anéantie en 146 av. J.-C. par les légions de Scipion. Au bénéfice d’une situation géographique exceptionnelle, la ville est reconstruite par les Romains qui n’hésitent pas à en faire la capitale de l’Afrique proconsulaire. Et ce malgré l’avis de Caton l’Ancien : « Delenda est Carthago ! », « Carthage doit être détruite ! »

Carthage. Calips

Pompéi, quant elle, est figée dans le temps depuis l’an 79.  En 62, la ville avait déjà subi un redoutable tremblement de terre, dont elle s’est relevée, avant que sa belle image de cité heureuse et prospère ne soit ensevelie définitivement sous une couche noirâtre de plusieurs mètres d’épaisseur. Pline le Jeune raconte l’éruption du Vésuve et la mort de son oncle, Pline l’Ancien :

« Il (Pline l’Ancien) se trouvait à Misène et commandait la flotte en personne. Le 9 avant les calendes de septembre, aux environs de la septième heure, ma mère lui apprend qu’on voit un nuage extraordinaire par sa grandeur et son aspect. […] Mon oncle trouva tout cela curieux et bon à connaître de plus près, en savant qu’il était. […] Des tremblements de terre fréquents et amples agitaient les maisons qui semblaient arrachées à leurs fondements et oscillaient dans un sens, puis dans l’autre. A l’air libre en retour tombaient des fragments de pierres ponces, légers et poreux, il est vrai, mais qu’on redoutait. » (Lettre à Tacite, extraits)
Porta Marina, Pompéi, Trey Ratcliff

Pétra, taillée à même la roche et nichée au fond d’un défilé rocheux, est abandonnée au VIIe siècle de notre ère puis oubliée jusqu’aux premières fouilles archéologiques en 1812. Pour l’atteindre, il faut suivre sur près de trois kilomètre une gorge très étroite (3 à 11 mètres de largeur seulement). Elle est décrite ainsi par Strabon :

« La capitale des Nabatéens, Pétra, tire son nom de cette circonstance particulière, que, bâtie sur un terrain généralement plat et uni, elle a tout autour d’elle comme un rempart de rochers, qui, escarpé et abrupt du côté extérieur, contient sur son versant intérieur d’abondantes sources, précieuses pour l’alimentation de la ville et l’arrosage des jardins. » (Géographie, XVI, 4 – L’Arabie, 21)
Tombeau dit de la Khazneh, Pétra. Erminig Gwenn

Troie, immortalisée par Homère puis par Schliemann, est détruite et reconstruite 9 fois entre le IIIe millénaire et le VIe siècle de notre ère.

« Moi, Poséidon, pour les Troyens j’ai construit un mur, large, et fort beau, pour que la ville soit indestructible. » (Iliade, XXI, 446-447)
Tour, Troie. Allison Mickel

Alesia est connue pour son célèbre siège par Jules César lors de la Guerre des Gaules :

« Cette place était située au sommet d’une montagne, dans une position si élevée qu’elle semblait ne pouvoir être prise que par un siège en règle. » (La Guerre des Gaules, 7)

La cité qui a vu la défaite de Vercingétorix a longtemps fait débat quant à sa localisation. Sa chute définitive en 52 av. J.-C. fait officiellement entrer la Gaule dans l’Empire romain.

MuséoParc, Alésia. Archigeek

Cnossos, avec son palais labyrinthique, est la capitale de la civilisation minoenne. Ce complexe monumental associe diverses activités : centre d’administration, ateliers et entrepôts, sanctuaires et lieu de résidence royal. Cet ensemble de plus de 1’000 pièces imbriquées a donné naissance à la légende du Labyrinthe :

« Minos veut dérober au monde la honte de son mariage : il enferme le Minotaure dans l’enceinte profonde, dans les détours obscurs du palais. Le plus célèbre des architectes, Dédale, en a tracé les fondements. L’œil s’égare dans les voies infinies, sans terme et sans issue, qui se croisent, se mêlent, se confondent entre elles. » (Ovide, Métamorphoses, VIII, 157-161)
Fresque du Saut au-dessus du Taureau, Cnossos. Egisto Sani

Pour terminer notre parcours, revenons à notre si fantasmée Atlantide, à travers une autre description que nous a laissé Platon de cette terre d’utopie :

« Avec toutes ces richesses qu’ils tiraient de la terre, les habitants construisirent les temples, les palais des rois, les ports, les chantiers maritimes, et ils embellirent tout le reste du pays dans l’ordre que je vais dire. Ils commencèrent par jeter des ponts sur les fossés d’eau de mer qui entouraient l’antique métropole, pour ménager un passage vers le dehors et vers le palais royal. Ce palais, ils l’avaient élevé dès l’origine à la place habitée par le dieu et par leurs ancêtres. Chaque roi, en le recevant de son prédécesseur, ajoutait à ses embellissements et mettait tous ses soins à le surpasser, si bien qu’ils firent de leur demeure un objet d’admiration par la grandeur et la beauté de leurs travaux. » (Critias, 115b, c et d)
Scale di Atlantide. Eugenio Azzola Photomerger

Pour poursuivre cette exploration, retrouvez dans notre sélection sur Renouvaud des ouvrages tant sur les villes antiques que relatifs à l’urbanisme et aux réflexions de notre monde contemporain.





Evelyne Barman Crotti

Voir la sélection