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Les voies de la voix (5/6) : Chantons la Suisse !

Chansons traditionnelles suisses : orales et populaires, elles rendent hommage aux traditions, aux identités linguistiques et culturelles grâces à l’usage fréquent du dialecte. Elles transmettent des émotions et des valeurs, elles véhiculent les symboles et le patrimoine nationaux. Connaissez-vous des chansons populaires suisses ? Il en existe de multiples variétés: le yodel, le ranz des vaches, le chant du soir, les chants révolutionnaires et patriotiques, les chansons sur le travail, les métiers et les coutumes, la chanson à thème politique etc. Faisons plus ample connaissance avec les deux premières.

Identifiable dès les premiers sons, le yodel est probablement l’un des chants suisses les plus populaires. Elément culturel emblématique, le yodel n’est pas seulement un type de chant. Il est aussi une technique vocale qui exige agilité, maîtrise de la voix et de la respiration. Il est caractérisé par le passage de registre de poitrine à celui de tête et vice-versa, à un rythme virtuose. Le résultat est tout en vocalise, utilisant des onomatopées ou des suites de voyelles et de consonnes sans signification. A l’origine, cette technique, dite aussi « de Tarzan » (tout le monde connaît le cri du premier « yodleur » mondialement connu…), était utilisé par les bergers pour communiquer à distance, de montagne à montagne, d’une vallée à une autre, et appeler les troupeaux mais aussi simplement pour signaler sa présence.

Comment apprendre le yodel en deux minutes par Héloïse Fracheboud.

Le yodel est devenu chant au 19e siècle, utilisé dans les refrains d’une chanson, s’alternant avec des couplets chantés de manière habituelle. Aujourd’hui, des groupes contribuent à faire vivre cette tradition dans des festivals notamment. Icône d’un yodel moderne et transfrontalier, Mélanie Oesch et les Oesch’s die Dritten en sont un exemple.

Un autre emblème vocal suisse est certainement le ranz des vaches. Qui n’est pas capable d’en émettre une phrase ou de reconnaître sa mélodie ? « Lyôba, lyô-ô-ba… ». Au canton de Fribourg, il fait même office d’hymne patriotique ! Et une fois par génération (environ cinq fois par siècle), ce chant connaît une gloire planétaire lorsque la troupe des armaillis le chante à cappella à la Fête des Vignerons, à Vevey. Il y fait son apparition pour la première fois en 1819 et depuis, il figure dans toutes les éditions suivantes de la fête.

Le ranz de vaches est historiquement une mélodie chantée durant la montée des troupeaux à l’alpage, lors du retour à l’étable à la fin de l’été, ainsi que pendant la traite pour calmer les vaches. On raconte que ce chant ancré dans le cœur du peuple suisse provoquait le mal du pays aux soldats au service à l’étranger et les poussait à la désertion. Par conséquent, le soldat qui le chantait était passible de la peine de mort. Jean-Jacques Rousseau l’évoque ainsi dans son Dictionnaire de la musique (1767) en introduisant une transcription. Le Ranz des vaches le plus connu aujourd’hui doit une grande part du renouveau de sa popularité aux différentes harmonisations de l’abbé Joseph Bovet.

Et cette mélodie, tant évocatrice de la Suisse, a été une source d’inspiration pour nombreux compositeurs, désireux d’introduire dans leurs œuvres une touche pastorale. Citons d’abord Rossini. Dans son dernier opéra Guillaume Tell (1829), le ranz des vaches fait son apparition dès l’ouverture. L’année suivante, Berlioz présente un ranz de vaches entre cor anglais et hautbois lointain dans la scène aux champs du troisième mouvement de sa Symphonie fantastique. Tout comme Liszt qui dans son troisième Album d’un voyageur (Trois airs suisses) intègre une improvisation sur le ranz des vaches, dans la version du compositeur suisse Ferdinand Huber. Le souvenir de son voyage en Suisse réalisé en 1836 resonne également dans les deux pièces suivantes : une mélodie de chanson yodlée du compositeur suisse Ernest Knop et un ranz des chèvres basé également sur la version de Huber. Avant ces trois exemples, Beethoven en fait une paraphrase dans le cinquième mouvement de sa Symphonie no. 6, dite « Pastorale » (1808), tandis que Giovanni Battista Viotti le transcrit pour violon (Ranz des vaches, 1792). De nos jours, le pianiste jazz fribourgeois, vaudois d’adoption, Thierry Lang, en fait une version moderne et revisitée.

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