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Musiques pour ne pas oublier

Aujourd’hui, à l’occasion de la journée dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, nous rendons hommage en musique. Il existe une musique pour ne pas oublier ces atrocités, une musique qui devient un outil de mémoire et de deuil face à la tragédie.

D’une part, elle nous a été transmise depuis les camps de concentration, Theresienstadt en particulier, qui avait acquis la renommée de posséder une vie culturelle et musicale relativement riche. Mais elle était également une étape avant la déportation des prisonnier·ères vers les camps d’extermination. Cela fut le cas de plusieurs compositeurs et musiciens, tel que Pavel Haas, Hans Kràsa et Viktor Ullmann, qui ont été convoyés dans le même train du 16 octobre 1944 et qui sont morts dans les chambres à gaz d’Auschwitz deux jours après.

Cette musique – composée et jouée par les persécuté·es – raconte la douleur, la colère, la brutalité de la vie quotidienne, mais aussi l’espoir. Elle exprime la lutte pour survivre. Elle est un acte de résistance. Viktor Ullmann écrivit que Theresienstadt « a contribué à mettre en valeur et non à empêcher mes activités musicales, qu’en aucune façon nous ne nous sommes pas assis pour pleurer sur les rives des eaux de Babylone, et que notre effort pour servir respectueusement les Arts était proportionnel à notre volonté de vivre, malgré tout ». Et c’est un miracle qu’une partie de ce répertoire ait survécu, surtout celui de transmission principalement orale. Des chiffons, des bandages… tout matériel pouvant servir à écrire leur musique a été caché dans des endroits insolites, échappant ainsi aux contrôles des gardes et arrivant jusqu’à nous. Le musicologue, pianiste et chef d’orchestre juif italien Francesco Lotoro tente de recueillir cette musique et nous livre son Encyclopédie de la musique écrite dans les camps pendant la 2e guerre mondiale avec la publication en partition des œuvres écrites dans les Lager entre 1933 et 1945.

De l’autre, la musique pour ne pas oublier a été composée par des compositeurs exilés. Hanns Eisler et sa « Deutsche Sinfonie » op. 50, Kurt Weill et la musique de « It’s Fun to Be Free » et « We will Never Die », Arturo Toscanini et son adaptation de l’« Hymne des Nations » de Giuseppe Verdi diffusée le 31 janvier 1944 à la radio et chantée par le ténor juif américain Jan Peerce. Plusieurs musiciens réfugiés n’ont pas non plus manqué d’exprimer leur forte opposition au régime : Arthur Rubinstein, Mario Castelnuovo-Tedesco, Vittorio Rieti.

Touchés par cette cruauté, plusieurs compositeurs ont consacré leur art à la mémoire des millions de victimes : Arnold Schönberg compose « Ein Überlebender aus Warschau », Luigi Dallapiccola l’opera « Il prigionero », Steve Reich « Different Trains », Dmitri Chostakovitch la « Symphonie no. 13 » en si bémol mineur (op. 113, sous-titrée « Babi Yar »), Krzysztof Penderecki le « Dies irae », Luigi Nono le concerto « Ricorda cosa ti hanno fatto in Auschwitz ». Grâce à plusieurs auteur-compositeurs-interprètes à succès, les générations suivantes s’approprient également de la mémoire de l’Holocauste : Bob Dylan et son « With God on our side », Leonard Cohen avec « Story of Isaac », « Nuit et brouillard » de Jean Ferrat, « Dachau Blues » de Don Van Vliet alias Captain Beefheart, Francesco Guccini avec « Auschwitz », Barbara et « Mon enfance », « Comme toi » de Jean-Jacques Goldman.

A la mémoire des victimes.

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